La Croix – David Gréa, mon prêtre, ce héros

Article rédigé par Isabelle de Gaulmyn (rédactrice en chef ajdointe du journal La Croix) pour le blog Une foi par semaine publié le 19 avril 2018

 

David Gréa, mon prêtre, ce héros

 

Si vous êtes prêtres, et que vous souhaitez faire parler de l’Église, c’est simple, il suffit de… se marier ! À voir le nombre de médias qui reçoivent, depuis une semaine, l’ex père David Gréa, suite à la publication de son autobiographie, la recette semble imparable. Et si vous ajoutez que vous êtes un peu connu, photogénique, et parlant bien, le tour est joué.

On n’accablera pas ici David Grea, dont personne ne peut juger ni de la sincérité de sa démarche, ni de ses sentiments. Il faut juste lui souhaiter de trouver désormais un nouvel équilibre. Après tout, des prêtres qui quittent la prêtrise pour se marier, les catholiques en ont connu plus qu’il n’en faut depuis cinquante ans. Et tous n’ont pas jugé bon d’en faire une telle histoire. Il est d’ailleurs assez plaisant de voir les médias le présenter comme un ancien prêtre « anticonformiste », ce qu’il n’était pas, transmettant une vision fort classique de la foi, auprès de jeunes qui n’avaient d’ailleurs non plus rien d’anticonformistes.

Piédestal

Mais au-delà de la personne, le cas Gréa pose la question de l’équilibre des rôles dans l’Église. Les prêtres y sont rares, de plus en plus, notamment les jeunes. Et, comme tout ce qui est rare est cher, l’Église, c’est-à-dire leurs évêques, mais aussi l’ensemble des catholiques, se les arrachent. Ces jeunes prêtres sont généralement couverts d’attention, mis sur un piédestal, héros – malgré eux, – d’assemblées vieillies et inquiètes. C’était le cas de David Gréa. On leur demande tout : ranimer des messes endormies, enthousiasmer les plus jeunes, dynamiser les paroisses, et aussi incarner, vis-à-vis de la société une visibilité positive du catholicisme : un engagement radical, généreux, « pur », aussi, car au-delà des contingences sexuelles qui animent le commun des mortels.

La pression est forte : ils doivent être super-heureux, super-virils, super-actifs. À travers eux, c’est toute l’Église qui se sent, à son tour, super-heureuse, super performante.

Mourir d’étouffement

Mon prêtre, ce héros : on est loin du prêtre de Bernanos, oublié et dédaigné, dans sa petite paroisse d’Ambricourt, et mourant à petit feu faute d’attention de ses supérieurs. Si les prêtres aujourd’hui risquent de mourir, c’est d’étouffement, tant ils sont encensés, et surinvestis par les communautés. Les laïcs réfléchissent-ils au poids et aux attentes qu’ils font peser sur ce clergé si rare, et parfois si fragile ? David Grea rencontrait de fait un beau succès dans sa paroisse. Mais les célébrations étaient très centrées sur lui. Le diocèse de Lyon, de son côté, n’a jamais manqué une occasion de le pousser devant le feu des médias, de lui donner toujours plus de fonctions, de visibilité, de surface. L’annonce de son retrait n’en fut que plus douloureuse. Cela doit faire réfléchir : moins les prêtres sont nombreux, plus ils sont adulés, et plus le risque d’emprise plus grand. Sans parler de l’influence, pour les prêtres catholiques, du modèle du pasteur d’église évangélique, charismatique, à la fois entrepreneur et homme public.

Au fond, on a envie de donner raison à la demande – implicite – de David Grea d’autoriser le mariage des prêtres. Ou, plus exactement, d’ordonner prêtre des hommes mariés, ce qui est assez différent. On aurait alors comme prêtres des hommes plus murs, avec des profils plus « ordinaires » et semblables à ceux de l’ensemble des fidèles, que l’on serait moins enclin à aduler et mettre à part. Ce serait le meilleur moyen de lutter contre une cléricalisation à outrance du catholicisme, dont les jeunes prêtres sont, aujourd’hui, les premières victimes.

 

Retrouvez l’article sur le blog Une foi par semaine d’Isabelle de Gaulmyn pour La Croix ici :

http://religion-gaulmyn.blogs.la-croix.com/david-grea-mon-pretre-ce-hero/2018/04/19

A propos de l'auteur: D. Grea